jeudi 10 avril 2008

Les corridas de Madrid

Message de Señor

Bon aujourd'hui, vu que le mauvais temps s'est installé ( petite pluie tiède, 21 0C, quelques percées de soleil ici et là ), nous sommes allé visiter la Plaza de toros de las Ventas, célèbre arène de corrida de Madrid.


Construite entre 1922 et 1928, cette superbe arène d'inspiration mauresque a été rénovée en 2000 et depuis, perpétue la tradition des corridas. Tradition qui, malgré les statistiques qui indiquent un déclin de la popularité de la tauromachie, permet de remplir ce stade de 25 000 places(!!) à chaque corrida ; il fallait voir ces lignées d'aficionados venus acheter leur billet à 11h00 le matin pour la prochaine corrida de la fin de semaine. Ils repartaient du même coup avec un poster de l'évènement en plus de leur précieux laisser-passer !
Donc petite visite guidée du stade avec, en prime, un groupe d'écoliers marseillais en voyage d'études espagnoles. On apprend que l'enceinte est divisée en dix sections constituées de gradins montant du bas de l'arène jusqu'à son sommet (environ 50 rangées de bancs de haut). Évidemment, les rangées le plus près de l'action sont les plus chères mais, petite surprise, les places de la moitié du stade sont moins chères que celles de l'autre moitié...??? En effet, les corridas ayant lieu en milieu de journée, les gradins qui sont exposés aux ardents rayons du soleil sont bradés à moitié prix alors que ceux qui bénéficient de l'ombre sont à un prix exorbitant (40 à 125 euros).
On descend plus tard dans l'arène même : wow! la sensation de se retrouver au milieu de l'enceinte, comme un matador sous l'œil attentif de milliers de spectateurs avant d'affronter en duel un taureau chargeant de ses 500 kilos... j'y étais presque.

Maintenant, petit abécédaire du parfait toton de tauromachie : la corrida comporte six combats de taureaux avec trois matadors, chacun devant affronter ... deux taureaux ! La répartition des taureaux est faite par un tirage au sort ( le sorteo ) puis les taureaux sont séparés et placés dans des enclos individuels jusqu'à l'heure de leur combat.
À l'heure dite soit cinq heures de l'après-midi ( en Espagne, la seule chose qui commence à l'heure c'est la corrida ), les participants défilent dans l'arène selon un rituel immuable. Les alguaziles ou représentants de l'ordre, mènent le bal, suivent les matadors ( les plus expérimentés en premier ) puis les peones, les picadors, les employés des arènes ( messieurs Zamboni ) et finalement l'attelage de mules qui sort les dépouilles des taureaux ou de matadors, c'est selon ...
Enfin, le moment tant attendu : les lidias ou combats. Chaque joute se déroulera en trois parties, les tercios, qui ont pour but de mettre les qualités du matador et du taureau en valeur afin de permettre au public, à la fin du combat, d'évaluer et de récompenser le gagnant.

Le premier tercio ( tercio de pique ) permet au
matador et à ses peones ou valets d'évaluer le
comportement du taureau en lui faisant faire des passes de cape ( capote est le vrai terme mais je vous voyais venir avec les jeux de mots faciles de premier degré...).
Ces passes ont aussi pour but de tester la résistance de l'animal en le faisant charger en différents points de l'arène et en l'incitant à aller au bout de sa charge.

Puis suivent les picadors sur leurs chevaux "capitonnés" venus tester la résistance du taureau : à l'aide de sa pique terminée par une pointe d'acier, il lui faudra piquer le dos de l'animal à au moins deux reprises ( une seule si le taureau est faible). Autrefois, les picadors étaient les vedettes des corridas, les toreros n'étant que ses aides. Ils montaient des chevaux nus ( j'vous entend déjà, gang de dépravés ) et étaient beaucoup plus vulnérables qu'aujourd'hui. Voilà d'ailleurs qu'un éleveur de chevaux de corrida a décidé de dompter différemment ses bêtes ( et du coup les picadors qui les conduisent ) pour redonner ses lettres de noblesse à ce torero.

Le second tercio ( tercio de banderille ) met en avant le jeu des peones : ils doivent poser les banderillas, sorte de bâtons se terminant par une pointe de métal et recouverts de papier frisou de couleur. Ils doivent donc attirer le taureau sur eux, l'éviter à la dernière seconde et tout en l'esquivant, lui planter lesdits banderillas sur le dos. Deux des trois peones ( traditionnellement les plus anciens ) ont cet honneur alors que le troisième s'occupe à diriger le taureau avec le capote.

Le troisième et dernier tercio ( tercio de mise à mort) se déroule en trois actes. La faena de muleta qui consiste pour le matador à leurrer le taureau avec une cape rouge ( la muleta ), lui
permettant ainsi d'enchaîner une série de passes mettant en avant son courage et son élégance dans l'exécution. À noter que le taureau ne charge pas parce qu'on lui agite un bout de tissu rouge ou rose et jaune ( dans le cas des capotes des peones ) devant les yeux mais bien parce qu'on agite quelque chose, point. Tout le monde sait bien que les taureaux sont daltoniens ...




Suit l'estocade ou la mise à mort par l'épée. Le matador montre ici sa bravoure et son adresse car même si le taureau est fatigué et blessé, il reste un des moments les plus dangereux du combat. Le matador ( tueur en espagnol ) doit porter l'estocade de face en se présentant devant le taureau, allant même jusqu'à l'appeler et à attendre sa charge ( c'est un cas des plus difficiles, méritoires et ... le moins employé ). C'est le point culminant de la corrida qui détermine l'attribution ou non de trophées au matador.
Après l'estocade, un peone vient donner le coup de grâce au taureau en lui plantant un poignard ( la puntilla ) à la base du crâne et du début de la colonne vertébrale. Si l'estocade a été bien exécuter, ce geste n'est que symbolique car l'animal s'est déjà écroulé.
Si le matador a été particulièrement convaincant et apprécié, les spectateurs exigeront du président de la corrida que lui soit accordées une, voire deux oreilles en guise de trophée. Ils feront savoir leur satisfaction au président en agitant un mouchoir blanc mais on doit savoir que les Madrilènes ont la réputation d'avoir les standards les plus élevés du monde de la tauromachie. Les trophées seront coupés sous la surveillance de l'alguazil qui les remet au matador; il ne reste plus au torero triomphant de remercier ses fans en faisant un tour de piste.
Si le matador a été particulièrement brillant, il pourra sortir du stade sur les épaules de ses supporters. Récompense suprême, le président de la corrida lui permettra de passer par la Grande Porte mais seulement s'il a récolté deux trophées ( soit deux oreilles de taureau ). À remarquer, il n'y a qu'une poignée de matadors qui ont eu cet honneur depuis l'ouverture du stade en 1928 !!!

Attention ! Petite mise en garde avant que vous ne me lapidiez sur la plaza : je ne juge ici ni la légitimité des corridas, ni leur supposé cruauté. Je n'ai pas encore assisté à une corrida mais j'y compte bien : tant de spectateurs ne peuvent se tromper ! Je vous tiens au courant de mes impressions dès mon retour.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Señor,

c'est toi qui a tout composé ce texte? Impressionnant...

Devinez qui xx